Le Maquis de Montfroid et la Maison brûlée
Le témoignage de Jean Perrin
 

Voici le témoignage que nous a envoyé Jean Perrin, natif de Mussy, qui habite aujourd'hui dans le Rhône.

Ce que je relate ci-dessous m'a été rapporté par mes parents. Il m'ont fait le récit des événements concernant ce qu'on appelle le « maquis de Montfroid » ou de la « maison brûlée ».

Voici en quelques mots l'histoire du départ du maquis de « Montfroid » et de la « Maison Brûlée » des Desmurger de « Sur l’Aye ». Certains Mussiats ne le savent peut-être pas, mais pendant la seconde guerre mondiale, sous l'occupation allemande, un groupe de résistants composé de 34 maquisards était stationné au hameau de « Montfroid » (sur la crête au-dessus de l’Aye) dans la maison inoccupée de la famille Mazille. La maison se trouvait sur le chemin qui relie les 4 chemins, la forêt de Dreuillin-Montfroid à « En Dunet ». A cette époque, Maurice Mazille n’habitait plus à Mussy. Il était Journalier ou domestique dans une ferme à Chandon dans la Loire (je me souviens encore bien de lui à la fête patronale de Mussy où il venait toujours faire un tour avec sa moto 100 cm3 dans les années 50). Cette maison est aujourd'hui en ruine et il faut vraiment savoir où elle se trouve pour apercevoir encore quelques pierres au milieu de la plantation de Douglas. Je me souviens très bien que durant mon enfance, dans les années 50/55, elle était encore en très bon état.

J'ignore la date à laquelle les maquisards sont arrivés. Par contre, je puis vous dire qu’ils sont repartis deux jours avant l’arrivée des Allemands qui savaient où était leur dépôt de matériel (sans doute en août 1944). Celui-ci se trouvait dans la maison de François Desmurger décédé à Mussy le 24 mai 1940 (à son décès, la maison a dû être vendue par les hospices Psychiatriques de Bourg en Bresse où était internée sa fille Marie-Thérèse, seule héritière de descendance directe restante pour je suppose payer des frais d’hospitalisation). Cette maison a été vendue à deux personnes du Mâconnais, l’un de Bussières et l’autre de Sainte Cécile, tous deux cultivateurs . Je n’ai pas souvenir de leurs noms respectifs. Ces derniers faisaient partis du maquis clunysois. Leurs fermes ont été brûlées par les Allemands. Les maquisards avaient mis leur maigre matériel dans la maison Desmurger, entre autre une petite camionnette. Comme armes de guerre, ils n’avaient qu’une mitraillette et quelques fusils de chasse.

Tous les soirs à la tombée de la nuit, ils venaient chez nous afin de se ravitailler en vivres et en eau. Ils puisaient celle-ci dans le puits de la cour. Se sachant menacés par les Allemands, ils avaient décidé de rejoindre le maquis de Ranchal. La sortie de la cour étant boueuse, la camionnette ne pouvait pas sortir. Mon père leur avait apporté son aide avec deux vaches attelées pour tracter la camionette. Deux jours après, les Allemands arrivaient.

Quand ils arrivèrent, ma mère et mon père étaient en train faire une clôture a 150 mètres de la maison Desmurger, en pleine vue du chemin. Philémon Miller était dans sa cave où il pouvait tout voir sans être vu. Mes parents firent mine de ne pas voir les allemands, ni de les entendre afin de n'éveiller aucun soupçon. Les deux voitures Allemandes sont arrivées avec un silence peu ordinaire surtout pour les voitures de cette époque. Ils ont été directement à la maison Desmurger, ce qui veut dire qu’ils étaient très bien renseignés !... Ils restèrent environ 20 minutes et sont repartis. A leur départ, la maison était en feu avec une fumée intense. Vu la rapidité et l’intensité du feu, tout le monde a pensé qu’ils avaient mis du phosphore un peu partout.

Ensuite, ils se sont arrêtés dans les virages du chemin du « Grapion ». Celui-ci se situe au dessous des Cadoles à hauteur d’un petit sentier qui aujourd’hui a disparu (quand nous revenions de l’école, nous y passions souvent). De là, ils pouvaient surveiller la maison et voir si quelqu'un intervenait pour éteindre l’incendie. Certainement que les informateurs des allemands ne savaient pas qui soutenait les maquisards. Si tel avait été le cas, je pense que les familles Miller et Perrin auraient été « ziguouillées ». Je ne serais pas là pour raconter cela aujourd’hui.

En 1951 un soir d’été (je m'en souviens très bien car j’ai encore l'image dans ma tête), à la tombée de la nuit, on frappe à la porte. C’était un ancien maquisard, jeune marié, qui refaisait en voyage de noce tout le parcours qu’il avait fait pendant la période de l'occupation. Avec son épouse, ils ont soupé avec nous. Ensuite ils ont été dormir dans la maison Mazille à « Montfroid ». Il nous a raconté à cette occasion la suite de l'histoire du maquis de Montfroid. Ils sont tombés dans une embusquade dans le forêt de Ranchal et ont eu de lourdes pertes. Sur les 34 maquisards qui étaient à Mussy, seulement 17 s’en sont sortis.

En 1956, mon père a racheté les ruines de la maison Desmurger qu'on appelait depuis la fin de la guerre, la « maison brûlée ». Il a fait reconstruire un petite partie du bâtiment dont les pierres n’avaient pas été trop abimées par le feu. Il faut savoir que les pierres qui sont en contact avec une trop forte chaleur deviennent cassantes et friables. Ce petit morceau de bâtiment a été refait par Antonin Desmurger du « Ragin-Montloup », de Claudius dit « Dudu » et d'André Dumontet aux « Vismats » à l’époque.

Plus tard, afin de construire une maison, mon père, mon frère Maurice et moi-même avons démonté le reste de la maison et récupéré les pierres encore bonnes. Cette maison avait dû être construite dans les années 1800 1830 et lorsque nous l’avons démontée, les troncs d’arbre qui servaient de fondation étaient dans un état tel que l’on aurait pu dire qu’ils sortaient de la forêt. C’est vrai que l’on mettait tout arbre vert en terre afin de permettre une meilleure conservation.

Jean Perrin (Mars 2007).

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