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Préambule
sur la justice sous la monarchie :
l'autorité du roi n'était pas suffisamment forte et centralisée
pour permettre une unification de l'organisation judiciaire. Malgré
la mise en place progressive de la justice royale une multitude de juridictions
demeuraient, s'appuyant localement sur le droit coutumier. La justice
royale était donc déléguée mais organisée
de façon hiérarchisée : au sommet les « cours
souveraines » (les parlements, dont celui de Dijon), constituées
de conseillers de la Cour royale qui cumulaient les fonctions de justice,
de réglementation et d'administration. Voici présentée
une rescision concernant un conflit d'héritage
entre un frère et une soeur (famille Ducharne) qui a éclaté
au moment où celle-ci s'est mariée avec François
Bajard. Ce document de 1749 sur parchemin est d'une qualité de
conservation exceptionnelle et est facilement lisible. Il permet de
découvrir les modalités de règlement des conflits
familiaux au coeur du XVIIIème siècle. Nous avons ajouté
les textes juridiques de l'époque concernant ce genre d'affaires. |
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Extrait
du texte original d'une rescision (1) concernant la jeune Jeanne
Ducharne daté du 3 décembre 1749 - Décision de
justice de la chancellerie de Paris. (Archives famille Ledoit)
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Fin
du texte de rescision avec le sceau de la chancellerie et signature
du conseil
Sceau apposé sur le document |
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Transcription
du texte de rescision (1) (le texte a été transcrit à
l'identique avec l'orthographe et la ponctuation précises du
document) :
Rescision (1) mineur Louis par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre, au premier notre huissier ou sergent sur ce requis. De la partie de François Bajard, la Jeanne Ducharne sa femme, gens de labeur ; demeurant en la parroisse de Mussy sous dun le Roy. Nous a eté exposé qu'après le sieur de claude Ducharne et Catherine vivier père et mère de laditte Jeanne Ducharne elle resta en bas age, Antoine Ducharne son frère ainé qui administrait leurs biens ; et qui ne connaissoit la consistance, proffitant de la minorité de l'exposante, de l'empire que la longue administration lui avait acquise sous elle, et de son peu de connaissance des forces de la succession des père et mère communs ; l'obligea pour son contrat de mariag avec ledit François Bajard exposant du 30 juin 1748, reçu par Delacroix notaire a renoncé à tous droits ; portion d'acquéreur, et autres droits successifs qu'elle aurait pu exposer dans les biens et hoiries (2) de lesdits deffunts père et mère, le sire put faire une cession moyennant une modique somme de trois cent livres ; et quelques effets, desquelles trois cent livres, vingt livres payables avec les effets le douze novembre jour suivant quarante livres dudit jour en un an, et ainsi continuer d'année en année jusques enfin de payement. Sans interest, vu pareille renonciation conttenant cession extorquée aux exposants tous deux en minorité ne saurait subsister. En effet, ledit Ducharne ayant seul géré les personnes et biens de l'exposante, il devait luy en rendre un compte régulier en Justice; Et ce ne peut etre que par le vol, la fraude et la surprise les plus caractérisés qu'il a luy seul fait à son proffit. Par les exposants mineurs lesdites renonciations et cessions desquelles un autre fils souffrent une lezion considerable. 1° par rapport à ses droits paternels; le legs qui luy avait été fait d'une somme de cent livres ne la remplit pas de beaucoup près de la portion héréditaire, puisque la succession de son révérend père était à son décès de valleur de plus de quatre mille livres et que n'ayant laissé que six enfants il luy en revenoit un douzième pour la légitime de droit qu'elle a la liberté de prendre du corps héréditaire, ou d'Exiger un supplément. 2° En supposant que l'Exposante se contente pour la part de la succession de sa mère des deux cent livres qu'elle luy a légué, ledit Ducharne son frère qui a confondu l'un avec l'autre les portions héréditaires de l'Exposante ès succession de ses père et mère n'a pu stipuler à son proffit, et sans faire tort à l'exposante, desi longs termes, et sans interests, tandis qu'il est constant qu'elles étoient exigibles lors de son mariage et que les interests en etoient dubs de plein Droit depuis le decès des pere et mere, et doivent courir jusques a l'actuel payement ; 3° cette renonciation est generalle et embrasse les parts et portions de l'exposante dans les successions d'un frere et d'une soeur decedés ab intestat (3), sa portion augmentée, et Tous droits successifs desquels ledit Ducharne son frere ne luy a jamais rendu aucun compte, ny fait aucune raison pourquoy il en resulte une nouvelle lezion evidente au préjudice des exposants. Et desirant se pourvoir contre ces pretendues renonciations et cession ils nous ont très humblement fait supplier leur accorder nos lettres sur ce necessaires. A ces causes voulant subvenir nos sujets suivant l'Exigence des cas nous te mandons qu'en vertu de présentes et de par nous tu fasses commandement au juge de la justice d'azolette et dependances que les parties duement assignées et appellées pardevant luy, s'il luy apport de ce que dessus, Notamment que l'exposante ait testé en bas age après le décès de ses pere et mere, que ledit Ducharne son frere ainé ait géré ses biens et revenus, qu'il ne luy ait jamais rendu aucun compte en justice que les Exposants fussent mineurs au tems de la renonciation et cession porteur en leur contrat de mariage du trente juin mil sept cent quarante huit, qu'il y ait vol, fraude et surprise du fait dudit Ducharne, que l'exposante en souffre une lezion evidente et considerable tam par cequ'elle n'a pas été remplie de sa legitime paternelle, de ses parts et portions en succession de ses frere et soeur decedes ab intestat, que parce que il a été stipulé de longs termes pour le payement des sommes dues à l'exposante pour ses portions hereditaires, et cependant sans interests, et autres choses tam que suffire doivent, et que les parties soient encore dans le tems de restitution. En ce cas sans avoir egard auxdites renonciation, et cession , Et a tous autres actes approbatifs, qui ne peuvent etre regardés que comme une suite d'un acte frauduleux extorqué par un tuteur a son pupille, que nous voulons ne pouvoir nuire ny prejudicier aux Exposants, et tout autour que de besoin est ou serait les avons relevés par ces presentes, il ait aremettre les parties; en tel et semblable etat etoient auparavant. Car tel est notre plaisir / donné a Paris en notre Chancellerie du Palais le troisième jour de Decembre l'an de grace mil sept cent quarante neuf, et de notre regne le trente cinquième Par le Conseil |
Interprétation
commentée du texte : Par le Conseil, |
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(1)
" rescision " : annulation d'un contrat, d'une vente, etc. Il peut
aussi y avoir lieu à rescision lorsqu'un des cohéritiers
établit, à son préjudice, une lésion. (2) " hoirie " : l'ensemble des biens dépendants d'une succession. (3) " Ab Intestat " : se dit d'une succession où la personne décédée n'a pas manifesté sa volonté par testament ou donation. |
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Coutumes
générales (extraits des articles 511 et 512) : Ce texte codifiait les relations entre un tuteur et un mineur, concernant les intérêts de celui-ci, particulièrement en ce qui concerne l'administration de ses biens. " (...) Le mineur deceu par le faict de son tuteur ou curateur, peut bien demander (...) d'estre restitué (...) c'est tousjours au nom du mineur, & pour la faute du tuteur ou curateur qui ne doit faire prejudice au mineur deceu. Si le contract faict par le tuteur est nul, pour le deffaut des solemnitez necessaires : encores qu'il ne puisse pas subsister, il faut tousjours se pourvoir par lettres de rescision, parce que voyes de nullité n'ont point de lieu. ET au cas que ce qu'il auroit faict, seroit revoqué, le tuteur ou curateur seroit tenu à desdommager la partie. Les tuteurs & curateurs doivent bien prendre garde que leurs mineurs ne soient deceuz & trompez par leur faute & coulpe, parce qu'ils portent les evenemens de ce qu'ils ont faict mal à propos ou souffert par leur negligence (...). Si un tuteur vendoit de l'heritage du mineur sans juste subject, & sans decret, il porteroit l'evenement, & la perte avec raison ". |
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